Fondées sur les ruines de la Seconde Guerre mondiale, les Nations unies célèbrent leur 75e anniversaire cette année. La Suisse reste l’un de leurs États membres les plus récents. Quelque deux décennies après son adhésion, elle cherche maintenant à obtenir un siège au Conseil de sécurité. Cette candidature est l’occasion pour la Suisse de montrer qu’elle est sérieuse dans sa volonté de poursuivre une approche inclusive et transparente.

Le Conseil de sécurité, cet organe si central de l’ONU, qui peut notamment prendre des décisions juridiquement contraignantes, est composé de quinze membres: cinq permanents et dix non permanents, qui sont élus par l’Assemblée générale des Nations unies pour deux ans, en tenant compte d’une clef de répartition régionale.

La Suisse – comme Malte – est candidate à l’un des deux sièges qui sont réservés à son groupe de pays pour la période 2023/24. Il y a de bonnes chances pour que cette candidature aboutisse, non seulement parce qu’il n’y a (jusqu’à présent) pas de concurrence, mais aussi en raison du profil prégnant que la Suisse s’est forgé à l’ONU au fil des ans.

Le véritable défi de la campagne suisse – dont la phase finale a été annoncée cet été sous le slogan «Un plus pour la paix» – n’est donc pas de nature politique étrangère, mais intérieure. Bien que cette candidature ait été à plusieurs reprises confirmée par le Parlement, il existe un scepticisme généralisé dans le monde politique et dans la population quant aux avantages, à l’opportunité et aux risques d’un engagement multilatéral actif de ce pays, qui est situé au cœur de l’Europe – et qui pourtant, d’une manière ou d’une autre, veut, devrait ou peut, être quelque peu différent.

Un point de vue critique n’est certainement jamais déplacé et peut fournir des indications importantes sur les points faibles de la coopération multilatérale et sur les initiatives et réformes nécessaires pour les améliorer. C’est précisément le fonctionnement du Conseil de sécurité et sa capacité d’action souvent limitée en raison de la politique qui donnent souvent lieu à des critiques justifiées.

Il n’est cependant pas rare que le scepticisme mentionné précédemment soit également dû au fait que le débat public sur la politique multilatérale en Suisse reste à un niveau modeste. En conséquence, de larges pans de la population ont une connaissance et un intérêt modestes pour les institutions et les processus multilatéraux.

Lorsqu’en 2020, des bacheliers ne savent pas ce qu’est réellement le Conseil de sécurité des Nations unies – et cela arrive – ils semblent mal préparés à notre monde globalisé du 21e siècle, dans lequel les plus grandes menaces – qu’elles soient climatiques, sanitaires, numériques, militaires ou criminelles – sont de nature transfrontalière. Ces problèmes ne peuvent pas être résolus par des mesures unilatérales, mais nécessitent des approches globales et coopératives pour trouver des solutions.

C’est précisément pour de telles solutions que l’ONU et son Conseil de sécurité – malgré tout leur potentiel d’amélioration – sont le bon endroit. En tant que membre du Conseil de sécurité, la Suisse aurait la possibilité de s’engager pour ces solutions et de participer à leur élaboration. Cela faisait partie de sa politique engagée envers les Nations unies, qui a maintenant presque vingt ans et lui a donné un profil largement reconnu à New York, à Genève et dans d’autres lieux des Nations unies. Ce sont précisément ses efforts pour réformer l’ONU et le Conseil de sécurité qui rendent sa candidature crédible et importante – ceux qui critiquent ne devraient pas être laissés de côté, mais devraient essayer de faire la différence de l’intérieur et de donner le bon exemple.

Par exemple, la Suisse aurait pendant son mandat plusieurs options pour promouvoir la transparence des méthodes de travail du Conseil auprès du reste des membres de l’ONU. Lorsqu’on est aussi présent que la Suisse dans la politique onusienne, qu’on est un contributeur financier si important et qu’on héberge, avec la Genève internationale, l’une des plus importantes plateformes multilatérales, on devrait avoir son mot à dire – dans une grande variété d’organes.

Le gros problème de politique intérieure que personne ne veut évoquer – d’où provient une grande partie du scepticisme – est la neutralité. Du point de vue du droit de la neutralité, on ne peut contester qu’un siège au Conseil de sécurité n’est en rien incompatible avec elle. D’un point de vue de politique de neutralité, cela devrait également être le cas, car la neutralité ne doit pas être comprise comme un appel à rester sur la touche, mais plutôt comme une distance différenciée par rapport aux conflits aigus. Elle ne contredit donc pas la poursuite de l’engagement onusien de la Suisse au sein du Conseil de sécurité; c’est plutôt une conséquence logique. L’expérience d’autres États neutres au sein du Conseil de sécurité, comme l’Irlande, l’Autriche ou la Suède, en est la preuve.

Une appartenance dont les coûts monétaires seraient gérables pour la Suisse apporterait également des avantages majeurs en matière de politique étrangère. Elle offrirait des possibilités uniques d’étendre le réseau et le savoir-faire, ainsi que de positionner et d’introduire des priorités thématiques – par exemple, dans le cadre de la présidence du Conseil, que les membres prennent en charge à tour de rôle pendant un mois chacun. Enfin et surtout, la Genève internationale, dont le renforcement est un pilier central de la politique suisse des Nations unies, pourrait également en bénéficier considérablement.

Le scepticisme qui accompagne la candidature en politique intérieure ne peut être surmonté que par un débat public participatif. Le soutien nécessaire ne sera trouvé que si l’importance de l’appartenance au Conseil de sécurité est comprise et largement discutée à l’aide d’arguments factuels. Un aspect important est la participation de la population, de la société civile et de la science, comme le réclament déjà divers milieux.

À cet égard, la candidature offre également l’occasion à la Suisse de montrer qu’elle est sérieuse dans sa volonté de poursuivre une approche inclusive et transparente – une exigence qu’elle formule précisément en ce qui concerne les méthodes de travail du Conseil de sécurité. Si elle y parvient, nous verrons que la Suisse est tout sauf too small to succeed.

Cet article a été publié sur swissinfo.ch le 18 septembre 2020.


Dr. iur. des. Angela Müller (PhD Rechtswissenschaft, MA Political and Economic Philosophy) ist als Senior Policy & Advocacy Managerin bei Algorithm Watch Schweiz tätig. Sie hat einen interdisziplinären akademischen Hintergrund. Seit 2018 engagiert sie sich als Vorstandsmitglied bei der Gesellschaft Schweiz-UNO, seit 2019 als Vizepräsidentin, und ist hier insbesondere für das Netzwerk Multilateralismus und die Arbeitsgruppe zur UNO-Sicherheitsratskandidatur der Schweiz zuständig.

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